Titre : | A propos d'un trouble de l'évidence corporelle dans l'anorexie |
Auteurs : | Hubert WYKRETOWICZ ; Michael Saraga ; Friedrich STIEFEL |
Dans : | EVOLUTION PSYCHIATRIQUE (84(1), 2019) |
Pagination : | 185-197 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
SANTEPSY ANOREXIE MENTALE ; CAS CLINIQUE ; CORPS ; IMAGE DU CORPS ; PHENOMENOLOGIE ; REPRESENTATION |
Résumé : | Les approches cognitivistes de l'anorexie insistent sur l'image déformée du corps chez les patients. L'expérience corporelle est ainsi réduite à sa représentation mentale. Dans ce travail, nous proposons d'approcher l'anorexie selon une démarche phénoménologique. La phénoménologie, au contraire des approches cognitivistes, invite à considérer l'expérience corporelle à partir d'elle-même. En suspendant les abstractions explicatives (neurobiologiques, psychanalytiques, cognitivistes) et sur la base de deux cas cliniques, nous étudions la manière dont se réorganise le sens de l'expérience du sujet dans l'anorexie. L'analyse s'inspire des travaux phénoménologiques de Edmund Husserl et Jean-Paul Sartre, de la sociologie de Pierre Bourdieu et, plus indirectement, de la théorie de l'embodied cognition. L'analyse phénoménologique de l'expérience ordinaire permet de souligner la réduction, dans l'anorexie, du vécu corporel aux sensations et à la représentation mentale du corps. Les patientes souffrent moins d'une image biaisée du corps objectif que d'une perte de l'évidence corporelle, associée à un investissement massif de la représentation du corps. Par « évidence corporelle » est désigné le rôle du corps en tant que vecteur tacite de participation au cours du monde. Envisager l'anorexie comme perte de l'évidence corporelle conduit à interroger les conceptions cognitivistes qui négligent l'expérience corporelle au profit de sa représentation. La démarche cognitiviste redouble ainsi la stratégie anorexique, qui associe, à la perte de l'engagement charnel et sensuel dans le monde, un surinvestissement du corps représenté. L'approche phénoménologique de l'expérience anorexique nous conduit à bien distinguer le corps souffrant et agissant de la notion d'« image mentale », que l'on substitue trop souvent à l'expérience vive du corps propre. D'une manière générale, elle invite ainsi à se tenir au plus près de la constitution de l'expérience subjective. |